180m (5a,4b,4b,4b,4c,4b,4a,4a,4a,4b). 40mn de descente, 2h00 d'ascension.

Voila une dizaine d'années, je m'étais projeté dans la réalisation de cette voie en solo, la grande voie la plus facile des gorges du Verdon. Les circonstances ne m'avait pas permis d'y venir. Il y a deux ans, alors que je démarrai les voyages avec Bernard, j'étais descendu dans les gorges depuis le belvédaire du Maugué sur la route des crêtes. Arrivé au départ de la voie, j'ai alors renoncé à faire cette "bêtise", c'est à dire grimper sans assurance. Peureux et lucide à la fois. Pourquoi je l'ai fait cette année ? D'abord, je me sent très en forme physiquement. J'ai beaucoup grimpé ces derniers temps en salle principalement, et cela m'a permis de retrouver un niveau d'escalade correct , suffisant (ce n'est que mon jugement, ça vaut ce ça vaut) avec l'ascension en solo d'une voie qui dans l'ensemble vaut 4c. De plus, je me suis équipé d'une corde hyperstatique de 60m de diamètre 6mm qui ne pèse que 1,3 kg, qui permet de faire des rappels, donc potentiellement de redescendre en cas de blocage, qu'il soit technique ou psychologique. C'est une corde qui fait partie du kit de secours en crevasse de la marque PETZL. Cette corde s'appelle la RAD'line (Rescue And Descent)

Dans la première longueur, la plus dure, je me suis rapidement dit que si je flippais de trop, je redescenderai une fois arrivé au premier relais. Bon, ça s'est bien passé et la perspective d'une deuxième longueur plus facile m'a encouragé à continuer. Pensant avoir terminé la deuxième longueur, je n'ai pas trouvé le 2ème relais, et j'ai continué tout droit sur une arête. Erreur : je n'ai pas mémorisé le cheminement de la voie que j'avais en photo et en texte sur mon téléphone. Merde, ça devient raide, gazeux, plus dur, c'est pas du 4b ça, on frole le 5b, il n'y a plus de points d'assurages (qui me servent pour trouver le bon cheminement) et je ne vois pas de changement dans ce que j'aperçois des mètres suivants. Je continue un peu parce que j'apercois un  relais plus haut, mais à cet instant je me dis que je suis mal barré. Faut-il que j'aille jusqu'au relais qui en fait n'est qu'un maillon rapide sur un piton, sans doute une rechappe de quelqu'un qui s'est trompé comme moi, ou bien désescalader les quelques mètres dans lesquels je me suis engagé ?. La perspective d'installer la corde sur cet unique piton, c'est hors de question, et puis, je ne me vois pas continuer jusqu'à l'atteindre. Je désescalade finalement, concentré comme jamais. Je marche sur des oeufs. A ce moment là, il n'y a plus que le rocher, mes mains, et mes pieds. Je retrouve le bon cheminement finalement. Allez, ça ne peut qu'être plus facile que tout ce que je viens de faire, je continue. Le reste de la voie se déroulera sans problèmes, avec des sections de niveau homogène, tantôt à l'abri du bruit du verdon dans des zones arborées, tantôt sur une arête gazeuse pleine de bacs. Les quatres dernières longueurs cheminent sur une arête qui perd rapidement de sa verticalité. On se sent en sécurité. 

Bon, c'est fait, je suis très content mais je ne le ferai plus jamais, nulle part. J'ai vraiment gambergé au dessus de la deuxième longueur, dans l'INCONNU. Ca aurait pu mal finir cette histoire. 

Un film après les photos...

A froid, après une très mauvaise nuit (en fait on n'y est encore, il est 5h00 du mat), la satisfaction s'est entièrement estompée. Si je pouvais revenir en arrière et renoncer au pied de la voie, je le ferai volontiers. Que j'ai été stupide !

J+3 : bon, restons positif ! Cette ascension était sur ma liste de toute façon.